Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/128

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commande, et à laquelle il faut obéir, une force légitime.

Ainsi, par exemple, les Français sont de très-braves soldats, et je ne crois pas être aveuglé par la vanité nationale, en disant qu’il n’y a pas en Europe un peuple plus militaire que le peuple français. Mais d’où cela vient-il ? Sans doute des longues guerres de la Révolution et de l’Empire, qui ont peu à peu répandu chez nous l’esprit guerrier, mais cela vient aussi de notre organisation militaire. Le jour où vous allez prendre aux champs un paysan pour en faire un conscrit, le premier sentiment que la plupart du temps il éprouve, c’est qu’il serait très-heureux de rester au coin de son feu. Ce serait encore plus l’opinion de son père et de sa mère ; mais il y a une conscience visible, en habit bleu et en baudrier jaune, qu’on appelle le gendarme, à laquelle le conscrit sait qu’il n’échappera pas ; il se décide à regret, mais il se décide. Il arrive à la caserne, on lui coupe les cheveux, on l’habille de la façon que vous savez ; on lui dit : Tu es un brave, le pays compte sur toi. Cette parole n’est pas dite en vain ; au bout de quelque temps il est devenu en effet un brave soldat. Mais, sans le gendarme, aurait-il pris si courageusement son parti ?

Il en est de même pour l’impôt. Chaque année, le gouvernement se félicite de la facilité avec laquelle rentre l’impôt. Sans doute, le percepteur est un fonctionnaire utile, et nous mettons beaucoup de zèle à nous acquitter de nos devoirs envers lui. Pourquoi ? C’est que derrière le percepteur figurent tous ces petits