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ne doit encourager d’aucune façon l’esprit militaire. Donner des pensions de retraite, c’était, disait-on, créer un corps militaire ayant des souvenirs, des tendances, des intérêts particuliers ; c’était établir le privilège sur une terre de liberté et constituer une aristocratie.

Ainsi, d’une part, l’horreur des armées permanentes, de l’autre la haine de toute espèce de privilèges, faisaient que dans certaines provinces les gens qui étaient à la tête du mouvement, comme Samuel Adams, s’opposaient de toutes leurs forces à l’établissement des retraites pour les officiers[1]. C’était une injustice flagrante. La garantie de la liberté n’est pas dans l’absence des armées permanentes, mais dans l’esprit des citoyens, nous en voyons l’exemple en Angleterre ; et, quant à l’horreur du privilège, encore faut-il qu’elle soit fondée et ne dégénère pas en mépris d’un titre sacré. Celui qui verse son sang pour la patrie a droit d’espérer que la patrie ne le laissera pas mourir de faim. L’ingratitude n’est pas une vertu républicaine, la justice n’a jamais nui à la liberté.

Dès 1778, Washington s’était occupé de faire régler cette question. En 1780, il avait obtenu une décision du congrès qui accordait aux officiers la demi-solde pour toute leur vie ; mais, en 1782, quand le congrès de la confédération remplaça le congrès de la révolution, on se demanda si on était lié par cette décision. Suivant les articles de la confédération, il fallait neuf États pour engager une dépense ; neuf États n’avaient

  1. Life of Hamilton, t. II, p. 155.