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Les événements lui avaient fait une situation telle que jamais homme n’en a occupé de semblable dans un pays libre.

Non-seulement il avait été le chef de l’armée, mais il avait été le conseil et l’âme de la nation. Lorsque le congrès se trouvait dans une situation difficile, c’est à Washington qu’il s’adressait ; c’est Washington qui correspondait avec les gouverneurs des États, et en obtenait ou de l’argent ou des soldats. Cette influence, il la fuyait autant que d’autres généraux ont pu la rechercher en d’autres pays. On voit toujours en lui la crainte de compromettre les libertés civiles et l’indépendance de ses concitoyens ; il a cette timidité de l’honnête homme qui s’inquiète de la grandeur de la situation qui lui est faite, et qui a peur d’avoir plus de pouvoir que la liberté n’en comporte. C’est là le scrupule constant qui l’arrête, c’est ce qui fait la beauté de son caractère.

En ce moment la situation était si tendue, la position financière si critique, l’union tellement menacée, tellement près de se dissoudre, que, sur les instances de ses amis et, au premier rang, sur les conseils et les prières d’Hamilton[1], Washington se décida à adresser une lettre circulaire à tous les gouverneurs des États, une espèce d’adieu et, comme il le disait lui-même, de testament ; car, en rentrant dans la vie civile, le grand désir de Washington était de n’en plus sortir ; et c’est parce qu’il avait pris la résolution de rester désormais un

  1. Voyez la lettre de Washington à Hamilton du 31 mars 1783.