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frappé dans le mouvement de l’armée, ce n’était pas qu’on lui eût offert un commandement qui pouvait mener à la couronne, c’est que de pareilles idées puissent germer en Amérique.

La lettre est belle, mais heureux le peuple auquel on peut tenir un pareil langage.

Il n’est pas donné à tous les hommes d’État de se faire écouter du peuple, lorsque, au lieu de flatter ses passions, on combat ses faiblesses. En Amérique, ce qui faisait le fond du caractère national, c’était l’esprit provincial, et c’était contre ce qu’il y avait d’exagéré dans cet esprit que Washington s’élevait. Sa voix fut entendue ; le coup porta lentement, mais il porta. Grâce à la loyauté de son caractère, à un désintéressement dont personne ne doutait, le général, avait obtenu une influence extrême sur l’opinion ; chacune de ses paroles restait, était acceptée, méditée par la nation. Chacun des écrits de Washington était pour ainsi dire déposé dans les esprits comme un germe qui devait se développer et donner un jour des fruits excellents. Ce fut en effet cette lettre et d’autres que Washington écrivit plus tard qui finirent par amener, en 1787, la réforme fédérale d’où sortit la Constitution.

Peu après cette lettre, en novembre 1783, le congrès se rassembla à Annapolis pour recevoir la démission de Washington. Par la disparition de l’armée et de son chef, le congrès se trouva seul à représenter l’Amérique et seul chargé de gouverner la confédération, sans avoir entre les mains de moyens d’action. Jamais gouvernement ne fut plus impuissant, non par la faute des