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tait, le ministère changea et fut remplacé par un cabinet composé d’hommes soi-disant sages et pratiques, défenseurs des traditions nationales, c’est-à-dire, en bon français, de gens routiniers et imbus des vieux préjugés.

Ce ministère était présidé par un homme dont les écrits ont eu un moment assez de vogue pour que Mirabeau ne dédaignât pas de les traduire, lord Sheffield. C’était un de ces politiques qui s’accrochent au passé, et qui à aucun prix ne veulent renoncer à une erreur, quand elle est vieille, ce qui n’est pas un médiocre moyen de popularité. Lord Sheffield déclara que le traité que proposait Pitt était l’abandon de la politique anglaise, et cela était vrai ; mais de ce qu’on abandonne une mauvaise tradition, il n’en résulte pas qu’on soit un novateur dangereux. Crier que tout est perdu parce qu’on rompt avec la sagesse des ancêtres, c’est-à-dire avec une tradition d’erreur, c’est un argument qui, pour réussir souvent, n’en est pas meilleur. À raisonner ainsi, le monde serait immobile ; il n’y aurait plus de place pour le progrès.

Lord Sheffield avait raison de dire que ce que proposait Pitt était en contradiction avec la politique commerciale de l’Angleterre, qui avait été jusque-là celle de toute l’Europe. Conserver pour soi seul la navigation entre la métropole et les colonies, tâcher par conséquent d’avoir le plus de colonies possible, en exclure toutes les autres nations et se réserver le monopole de l’or, de l’argent, des épices, du sucre, du café, c’est ce que faisait l’Angleterre depuis le fameux acte de navigation rendu