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jours que le peuple sente avant de se résoudre à voir. Quand cela arrive, il est prêt à agir. Il en résulte que des gouvernements de cette espèce sont toujours lents. » Observation d’une grande profondeur. On a beau dire à un peuple : ceci est mauvais, dangereux, vous allez à votre perte, le peuple, qui n’est pas suffisamment instruit, ne s’aperçoit qu’une mesure est mauvaise que quand ses intérêts sont menacés ; alors il se révolte, s’irrite, et en général jette à terre le gouvernement qui le gêne. Mais en était-on là ? l’Amérique avait-elle assez souffert ? ou au contraire, ne se plaindrait-on pas de l’importunité de Washington ?

Ce fut alors que Jay revint à la charge, il sentait trop bien l’importance d’avoir pour soi l’opinion de Washington. C’est au nom de la patrie en danger qu’il somme le général de prendre un parti. Voici la réponse de Washington :

Mount-Vernon, 10 mars 1787.

« Cher Monsieur, — Votre lettre du 7 janvier touche un sujet bien important et mérite une attention toute particulière.

« La révision du système fédéral, l’extension des pouvoirs du congrès nous donneront-elles un gouvernement capable d’agir ? C’est ce que je n’oserais décider.

« Mais ce que personne ne peut nier, c’est que l’organisation actuelle a une foule de vices et d’inconvénients… Ces défauts sont tellement visibles, tellement sensibles, que nul raisonnement ne peut les contester, et que probablement nul changement de conduite ne pourrait les écarter. Il est probable que toute correction partielle sera sans effet, quoi qu’on