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stitution les libertés publiques, et n’avaient pas de peine à prouver qu’elles n’existaient pas en France. Il n’y avait aucune représentation nationale, le roi était absolu. Cela ne veut pas dire que l’antique monarchie française fût un établissement despotique analogue à celui des empires d’Orient ; c’était un gouvernement « paternel », tantôt doux jusqu’à la faiblesse, tantôt violent comme un enfant capricieux. Il en résultait en tout cas de mauvaises conditions d’existence pour la nation. On en peut juger par le fait de Mirabeau, venant déclarer à l’Assemblée constituante que son père, cet ami des hommes, qui l’était si peu de sa famille, avait obtenu cinquante-quatre lettres de cachet contre sa femme, ses enfants et ses proches, sur lesquelles, disait Mirabeau, il y en avait dix-sept pour moi seul ; vous voyez que j’ai été partagé en aîné de Normandie.

C’était là, certes, un mauvais gouvernement. Je ne veux pas dire que les prisons regorgeassent de détenus, — on n’en a trouvé qu’un très-petit nombre à la Bastille ; — mais on n’était jamais sûr que le magistrat qui, la veille, avait ri avec vous du pamphlet que vous veniez de publier, ne vous fît, le lendemain, jeter en prison, et ne fît brûler votre livre par la main du bourreau. C’étaient les mœurs qui gouvernaient bien plus que les lois ; la douceur des mœurs remplaçait la loi absente ou violée.

Une vieille maxime du droit français disait : Si veut le roi, si veut la loi. Que fallait-il entendre par ce proverbe ? A Deo rex, a lege Rex, disaient les Anglais ; fallait-il interpréter l’adage français par la maxime an-