Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux. Nous faisons tout le contraire, nous ne nommons une assemblée que pour abdiquer entre ses mains. La souveraineté déléguée fait qu’à l’instant même tous les pouvoirs vont à l’assemblée, et, comme si ce n’était pas assez de danger, nous avons soin que cette assemblée soit unique ; sa volonté, disons-nous, c’est la volonté nationale ; qui peut la limiter ?

En théorie, il est fort aisé de dire que les assemblées sont le peuple ; mais, en fait, elles sont composées de quatre cents, cinq cents, huit cents personnes. Ce n’est pas le peuple, ce sont des représentants, et, comme tous les hommes, ces représentants ont des passions et des intérêts particuliers. Aussi ces assemblées, qui doivent tout sauver, commencent-elles toujours par installer deux choses : l’anarchie et le despotisme. Et il en est toujours ainsi, quelle que soit la vertu des assemblées. Je dis qu’on installe l’anarchie. Pourquoi ? Parce que quand une assemblée est maîtresse de tous les pouvoirs, il n’y a pas un fonctionnaire qui ne se dise ; « demain, après-demain, ma position sera menacée ; » depuis le préfet jusqu’au garde champêtre, chacun se sent inquiet de son sort. Et j’ajoute le despotisme, parce qu’une assemblée n’est pas responsable ; et qu’un pouvoir illimité sans responsabilité, c’est la définition même de la tyrannie.

On a beau faire de grands discours sur l’unité du peuple : toutes les fois que vous aurez quatre cents personnes pour gouverner et faire une constitution, vous aurez quatre cents personnes qui suivront leurs idées et leurs vues personnelles. Dans cette situation vous