comprend, au contraire, qu’en présidant à cette fête il se soit cru le Lycurgue de la France régénérée. Saint-Just, plus jeune, plus exalté, est plus étrange encore. Il nous a laissé des fragments d’institutions républicaines, notes préparées pour un discours qu’il allait prononcer, alors qu’il fut surpris par les événements qui le conduisirent à l’échafaud. Rien de plus instructif que ce morceau. On voit que, pour Saint-Just, c’est chose toute simple que de refaire un peuple et de lui donner, non-seulement des lois, mais des mœurs.
Quand on lit cette œuvre bizarre, on est tout étonné du fanatisme de l’homme ; sa religion, c’est l’antiquité. Il veut que la jeunesse tout entière soit partagée entre deux occupations : les travaux de l’armée et l’agriculture ; il décide que les jeunes gens seront toujours vêtus de toile, qu’ils coucheront sur la dure, qu’ils ne mangeront pas de viande. Puis ils auront chacun un ami, comme les jeunes Spartiates ; le malheureux qui ne croira pas à l’amitié sera chassé de France. La propriété est assez maltraitée dans le système de Saint-Just. Tandis que celui qui n’est pas propriétaire peut aller voter tous les ans, sans autre titre que sa vertueuse pauvreté, le propriétaire n’est admis à voter que s’il prouve qu’il a élevé quatre moutons dans l’année. Saint-Just ne dit pas s’il doit apporter ses quatre moutons au scrutin.
Les cimetières seront de riants paysages ; il n’y aura sur les tombes que des fleurs semées par la main de l’enfance. Les meurtriers seront vêtus de noir toute leur vie. J’en passe, et des meilleurs.