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Maintenant, quels sont les avantages d’un pouvoir législatif divisé en deux chambres ?

Le premier, c’est d’éviter la précipitation ; nous avons vu en 1848 un impôt supprimé à une voix de majorité, et le lendemain on déclarait qu’on avait mal voté. Avec une assemblée unique vous ne pouvez empêcher ces coups du hasard. Le sort du pays peut se trouver entre les mains d’un député qui peut être vendu ou incapable. Pour éviter ce danger toujours menaçant, on avait décidé, dans la Constitution de 1848, qu’il y aurait trois délibérations. Mais c’est là une garantie qui n’est pas sérieuse, car ces trois délibérations, on peut toujours les éluder sous quelque beau prétexte ; on commence par établir l’urgence pour les petites délibérations, et un beau jour, quand on en a besoin, on l’établit pour les grandes affaires. C’est toujours la barrière qu’on porte avec soi, et qui, par cela même, n’est pas une barrière.

Les deux chambres sont donc la garantie qu’on ne jettera pas le peuple dans les aventures.

Un second avantage, c’est d’éviter l’égoïsme législatif. Ceci a été observé très-finement par un auteur qu’on ne lit plus aujourd’hui, Harrington. Au lieu d’étudier la constitution anglaise, Harrington s’était amusé à écrire un roman politique, intitulé Océana ; aussi Montesquieu l’a-t-il comparé à ces aveugles qui ont fondé Chalcédoine, ayant Byzance sous les yeux. Harrington qui ne manque pas d’esprit, les rêveurs en ont souvent beaucoup, raconte que tous les mystères de la politique lui ont été révélés le jour où il a vu comment deux petites