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sant que tout ce qui est compris par l’esprit doit exister ; Hegel a rajeuni cette théorie : c’est une erreur immense, car elle suppose l’identité de la pensée et des choses, cette identité, on ne l’a pas encore démontrée, et, à mon avis, on prouvera quelque jour qu’elle n’existe pas. L’esprit est fait pour comprendre la nature ; cela suppose des qualités que la nature n’a point.

Ce sophisme philosophique, qui prend pour la vérité des choses les pures conceptions de l’esprit, est une erreur de vieille date ; c’est de cette façon qu’on a peuplé les sciences humaines d’entités chimériques et d’abstractions dangereuses. La politique n’a pas échappé à ce danger. Rousseau, Mably ont fait sortir de leur cerveau des constitutions imaginaires, pour des hommes qui n’ont jamais existé. Or la politique a précisément pour objet les hommes d’aujourd’hui qui ont des droits parce qu’ils ont des rapports entre eux, et les choses d’aujourd’hui, qui sont des intérêts parce qu’elles appartiennent à des hommes. La vraie politique est donc celle qui s’occupe des hommes et des choses de son temps ; c’est une politique qui est aussi différente de l’ancienne que l’astrologie est différente de l’astronomie, et l’alchimie de la chimie.

Il est évident que tous les peuples n’ont pas les mêmes mœurs, que les conditions de la vie sociale ne sont pas partout les mêmes, et que par conséquent on ne peut concevoir une même législation s’appliquant à toutes les nations. Si un Chinois se trouvait ici, je ne crois pas qu’il réclamât l’application de la constitution française à son pays ; si un homme du seizième siècle