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on change pour changer : par jalousie, par impatience, par inquiétude. Et, comme on trouve dans les mœurs une résistance invincible, on bouleverse tout à coups de lois. Corruptissima republica plurimœ leges, disait Tacite[1] ; plus une république est en décadence, plus il y a de lois.

« Cette instabilité, disait Hamilton, est fatale à l’industrie, à l’esprit d’entreprise, au travail régulier. C’est le règne de l’agiotage, industrie d’un peuple sans lendemain. En diminuant la sécurité du travail, du capital, de la propriété, des personnes même, cette perpétuelle mobilité ruine le fondement sur lequel repose la société ; elle affaiblit le respect des institutions, cet attachement aux lois et au gouvernement, sans lesquels il n’y a ni État, ni patrie[2]. »

Le seul moyen d’empêcher l’usurpation et l’anarchie, c’est donc de diviser le Corps législatif, et de faire régner dans les assemblées l’esprit de suite et la modération. Voilà ce que j’appelle les raisons de nécessité.

À côté de ces raisons de nécessité, il y en a d’autres non moins fortes et qui ont une influence plus directe sur la composition de la seconde chambre, du sénat, comme on l’appelle en Amérique.

Un peuple vit toujours sur la tradition. Il peut avoir des idées nouvelles, des besoins nouveaux ; mais il n’est permis à personne de changer tout à coup et du tout au tout. Cela n’est pas moins impossible pour un peuple,

  1. Tacite, Ann., III, 27.
  2. Federalist, lettre 62. — Story, § 713.