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nous verrons quand nous parlerons de la puissance judiciaire et des amendements joints à la constitution.

Ce qui contribua surtout à cette jalousie américaine, ce qui fît qu’on ne donna au congrès que des pouvoirs limités, ce fut la division en États. Les États tenaient fort à leurs droits, il leur semblait naturel de ne déléguer que certains pouvoirs. On vit donc pour la première fois, je crois, dans l’histoire, ce phénomène d’un pouvoir législatif qui représente le pays quand on le considère au point de vue de la direction suprême, des mesures générales de gouvernement, mais qui n’est point le pays lui-même et qui ne peut pas tout. C’est là une des grandes découvertes que nous devons à l’Amérique, découverte que jusqu’à présent la science politique a laissée de côté, et qui me semble une des vérités les plus importantes qu’on ait trouvées de nos jours, et celle qui doit avoir le plus d’influence sur l’avenir. Au gouvernement, comme au Corps législatif, il n’appartient d’exercer que des pouvoirs délégués.

En France, nous proclamons très-haut la souveraineté du peuple, nous l’exerçons une fois tous les six ans dans les comices électoraux ; mais le lendemain cette souveraineté passe dans d’autres mains qui peuvent faire toute autre chose que ce que veulent les mandants. En Amérique, jamais cette souveraineté ne disparaît ; non-seulement le peuple n’abdique jamais, mais il ne délègue au congrès que certains pouvoirs de législation strictement définis et que le congrès exerce au nom de la nation. Il y a donc deux corps vivants : d’une part le congrès, de l’autre la nation, le mandataire et