Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/484

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que, quand on a un bon général à la tête de l’État, on a un bon gouvernement ; elles n’ont pas en grande estime les pouvoirs civils. Il y a donc chez nous un esprit militaire, qui fait un contre-poids énorme à l’esprit de liberté. À côté de l’armée il y a une autre armée civile, une administration qui fait la cohésion du pays, et sans laquelle, a-t-on dit, il n’y aurait que des grains de sable dans le pays. C’est un personnage politique qui a dit cela. Eh bien, avec ces deux pyramides qui montent, et qui vont nécessairement aboutir à un chef unique, il est impossible d’avoir un président comme aux États-Unis ; car le président, appuyé par l’armée, soutenu par l’administration, ne demanderait qu’à rester où il est, et, avec un pareil état de choses, vous auriez des révolutions en Amérique comme ailleurs. Mais aux États-Unis la liberté étant partout, un coup d’État de la part du président serait une chimère, il n’aurait pas d’armée, et puis le lendemain de son coup d’État il n’aurait pas d’État, car, quand il sort de Washington, il est comme un évêque qui, une fois sorti de son diocèse, ne peut dire la messe qu’avec la permission de ses collègues.

C’est ainsi qu’il faut étudier l’Amérique, et non avec cet esprit d’imitation servile qui nous a toujours été funeste ; il nous faut apprendre que la liberté politique repose nécessairement sur la liberté sociale. Étudier la constitution américaine est une bonne chose, étudier la société américaine en est une meilleure. En France, comme par toute l’Europe, on a le désir de jouir de la liberté, partout on cherche à poser le problème de la