Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

S’il n’y avait pas de justice, il n’y aurait ni gouvernement ni société. Si je ne suis pas sûr de ma personne, de ma liberté, de ma propriété, je ne vis pas au milieu de populations civilisées, je vis au milieu de sauvages et de brigands. Comme le disait justement saint Augustin, sans la justice, que sont les grands empires ? De grands brigandages, magna latrocinia. Il est tellement impossible à l’homme de vivre sans justice, que partout où le trouble se met dans la société, où il y a anarchie, vous voyez la force paraître, la force qui remplace en quelque façon la justice, parce que, obligeant chacun à se tenir à sa place, elle donne la sécurité.

Cette nécessité de la justice pour que les sociétés subsistent, tous les peuples l’ont sentie ; on peut dire que chaque peuple a plus ou moins de liberté suivant qu’il a plus ou moins bien compris la part qu’il devait faire au règne des lois.

Ainsi, Blackstone a pu dire avec raison que ce qui a empêché la France d’aboutir au despotisme turc, c’est le parlement. Les droits des particuliers étaient assez bien gardés par le parlement pour que la France ait pu jouir d’une liberté relative. Elle n’avait pas la liberté politique, mais elle avait la liberté civile, et, certainement, sous le règne de Louis XVI, la liberté civile n’était guère moins grande qu’aujourd’hui.

Dès qu’il y a un pouvoir suffisant pour faire respecter la loi, il peut y avoir un gouvernement absolu, il n’y a pas de despotisme. Le meunier de Sans-Souci, résistant à Frédéric II à une époque où la loi d’expropriation n’existait pas encore, et disant : « Nous avons des juges