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jusqu’au bout. Il donna un exemple bien rare dans l’histoire. Sacrifier sa fortune à son pays, il y en a des exemples, pas beaucoup, mais il y en a ; lui donner son sang, il y en a beaucoup d’exemples ; mais lui faire l’abandon de ses idées, se dire : « Je me trompe peut-être, essayons de ces idées qui ne sont pas les miennes. » c’est une abnégation d’amour-propre qui, selon moi, est un des sacrifices les plus rares qu’on puisse rencontrer. L’idée qui guida Hamilton, nous la connaissons ; nous pouvons lire dans son cœur, grâce à un témoignage qui n’est pas suspect, celui de son ennemi Jefferson, le représentant de cette démocratie qui croit toujours agrandir la liberté en donnant au peuple le pouvoir. Jefferson nous a conservé dans ses Mémoires une conversation d’Hamilton, d’où il tire la conclusion qu’Hamilton n’a jamais aimé la liberté. J’en tire la conclusion contraire. Selon moi, c’est une des plus belles confessions qu’ait jamais faites un homme politique.

« C’est mon opinion, disait-il, quoique je n’aille le crier ni à Dan, ni à Barsbebba, que le gouvernement actuel ne répond pas au but de la société, en donnant stabilité et protection à ses droits ; probablement il en faudra revenir à la forme anglaise. Mais puisque nous avons commencé l’expérience, je suis d’avis qu’il faut aller jusqu’au bout, quelle que soit mon attente. Jusqu’à présent le succès est bien plus grand que je n’espérais, par conséquent il est plus probable qu’auparavant. Si l’œuvre que nous avons commencée ne réussit pas, il y a encore bien d’autres combinaisons, bien d’autres améliorations dont on peut et on doit essayer, avant d’abandonner la forme républicaine ; car c’est un esprit dépravé que celui qui