Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/535

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songeait aux Grecs qui l’écoutaient, c’est-à-dire à un peuple qui était peut-être plus impressionnable que les peuples modernes. Patrick Henry appartenait à cette école d’orateurs. Dans une vieille assemblée comme les Chambres d’Angleterre, un homme d’une éloquence aussi ardente et aussi violente ne réussirait probablement pas ; mais au sortir d’une révolution, cette voix remuait toutes les âmes et mettait en question l’avenir même de l’Amérique.

« Je m’adresse à ces honorables personnes qui ont formé la Convention fédérale. Je suis sûr qu’elles étaient fortement imbues de la nécessité de remplacer la confédération par un grand gouvernement consolidé. Que ceci soit un gouvernement consolidé, cela est évident ; et le danger d’un gouvernement semblable me frappe singulièrement. J’ai le plus grand respect pour ces messieurs ; mais qu’on me permette de leur demander quel droit ils ont eu de dire : Nous, le peuple ? Qui les a autorisés à dire : Nous, le peuple, au lieu de : Nous, les États ? Des États, voilà l’âme et le fond d’une confédération. Si les États ne sont pas les agents du contrat politique, nous aurons un grand gouvernement centralisé, un gouvernement du peuple de tous les États… Je le demande à ces messieurs, en cette grande occasion, quelle a été la cause de leur conduite ? Je le demanderais à cet homme illustre, dont la valeur nous a sauvés ; oui, la liberté même que son bras nous a conquise m’autoriserait à lui demander la raison de sa conduite ; et, certes, s’il était ici, il me répondrait. Le peuple ne leur a pas donné pouvoir d’user de son nom. Qu’ils aient excédé leur pouvoir, cela est parfaitement clair… Quels dangers les ont amenés à faire un pas si dangereux ? Il y a eu des désordres en d’autres parties de l’Amérique ; mais ici il n’y a pas eu de dangers, pas d’insurrection, pas d’émeutes ; tout a été calme