Page:Laboulaye - Locke, législateur de la Caroline.djvu/19

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nécessairement et insensiblement suivre toutes ces modifications.

Ainsi encore (et cette disposition prêtait moins à la critique) l’Europe, et particulièrement l’Angleterre, souffraient de ces lois innombrables, de ces coutumes vieillies, que souvent la royauté exhumait de leur obscurité, pour gêner la liberté des personnes ou des transactions : Locke déclarait que tout statut perdrait sa force un siècle après promulgation.

Une autre disposition, un peu ingénue pour un philosophe qui fondait sa société sur la propriété, déclarait que c’était chose basse et vile que de plaider pour de l’argent ou pour un salaire ; Locke ne voulait pas d’avocat, mais des patrons et des clients. Un siècle plus tard, Rousseau, le fidèle disciple de Locke, exprimait le même vœu dans son gouvernement de Pologne[1]. Cet état si respectable en lui-même, disait-il, se dégrade et s’avilit sitôt qu’il devient un métier. C’est toujours la même illusion : ce sont les procès, et non les avocats qu’il faut supprimer. Tant qu’il y aura des plaideurs, le plus sûr, pour la justice et la république, sera de laisser vivre les avocats, mal nécessaire, si l’on veut, comme les médecins, mais qu’on ne peut extirper, sans causer aux citoyens et à l’Etat un mal infiniment plus grand. Le but en politique (les philosophes l’oublient trop souvent), c’est le mieux relatif, ce n’est pas la perfection absolue.

Une mesure fort sage, et qui devançait le siècle, établissait la publicité pour tous les faits, tous les actes des citoyens qui intéressent le public ; il devait y avoir dans chaque seigneurie des registres pour les naissances, les

  1. Gouvernement de Pologne, à la suite du Contrat social, édition de Paris, 1792, p. 333.