Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/15

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puisse y avoir un autre enseignement que celui des matières sur lesquelles il lui plait aujourd’hui d’interroger. En France, nous avons une science officielle, c’est l’État qui se charge de nous la compter et de nous la mesurer, et on ne comprend guère chez nous quelle peut être l’utilité d’un cours qui n’aboutit pas à un examen. La fin immédiate des études, c’est de faire des licenciés, et c’est à cette fin que tout aboutit. Chez nos voisins, au contraire, la fin essentielle, c’est la science ; la Faculté est un établissement qui a pour objet principal de développer et d’enseigner la jurisprudence ; l’utilité directe que retireront de ces leçons l’État ou les particuliers n’est que secondaire. C’est une institution publique, à laquelle la nation remet le dépôt de la science et de l’enseignement, dépôt qu’elle doit conserver, enrichir et transmettre aux générations futures ; ce n’est point, comme en France, une école préparatoire de la magistrature et du barreau. Suivant l’expression allemande, c’est un établissement dans l’État, et non point un établissement de l’État ; la Faculté vit de sa vie propre, se suffit à elle-même, et a sa fin en elle-même car cette fin c’est la science, et non le service public. Sans doute elle sera la pépinière d’où sortiront la jeune magistrature et le jeune barreau mais cette perspective ne doit exercer aucune influence sur la nature de l’enseignement. Spéculatives, historiques ou pratiques, toutes les branches de la jurisprudence doivent être accueillies et étudiées avec la même faveur ; car si (à considérer les choses superficiellement) elles n’ont pas toutes la même importance dans le monde des affaires, elles ont toutes la même valeur scientifique, et délaisser les unes au profit des autres, c’est de la part de l’État ou de la Faculté, fausser l’éducation nationale, et donner à l’enseignement une direction arbitraire et exclusive, c’est-à-dire une mauvaise et dangereuse direction.

Telle est la haute idée qu’on se fait en Allemagne de la mission scientifique des Facultés, et je ne suis en ce point que l’écho de l’opinion commune[1]. Gouvernements et savants sont unani-

  1. MOEL, Polizewissenschaft. Tubling., 1844, p. 518 : « La liberté intellec-