Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/17

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intéressé, un haut enseignement n’est pas possible ; mais qui se donne à la science sans arrière-pensée[1], professeur, obtiendra des résultats inespérés ; étudiant, sera plus tard un homme distingué, quelle que soit la carrière qu’il embrasse. En sommes-nous là en France, et nous faisons-nous de la mission des Facultés une aussi haute opinion ? Le rapport de Paris répondra pour nous.

« Tant que des grades ne seront pas légalement exigés, l’organisation d’un enseignement (administratif) spécial sera évidemment prématurée. Car les cours des facultés ont pour destination la collation des grades, et les chaires que l’on créerait prématurément ne trouveraient point cet auditoire sérieux et obligé que M. le ministre désire même pour la Faculté des lettres[2]. » Cette assertion de l’École de Paris est incontestable. Oui, aujourd’hui la destination principale de nos Facultés de droit ( et nous pourrions dire la même chose de la plupart des autres Facultés), c’est la collation des grades ; elles sont, avant tout, des commissions d’examen. Rien n’est calculé pour faire travailler le professeur, dont l’occupation principale est d’examiner ; et tout est combiné pour empêcher l’étudiant de travailler autrement qu’en vue de l’examen. Là est le mal, là est la cause de l’infériorité de notre enseignement. Conférer et obtenir des grades ne doit être qu’un accident dans la vie du professeur ou de l’élève développer la science et l’étudier, tel est le seul rôle qui convienne à l’un et à l’autre. On ne relèvera pas l’enseignement supérieur en France tant qu’à ce principe

  1. Quand nous disons qu’il faut se livrer à la science sans arrière-pensée, nous n’entendons pas dire qu’il faut s’abandonner aux études philosophiques ou historiques exclusivement ; le droit pratique est un élément essentiel de la science, et nous voudrions son enseignement plus complet encore qu’il n’est à Paris ; mais nous entendons qu’on ne doit point étudier en vue d’un examen et laisser du côté un cours utile, parce que ce cours n’est pas obligatoire. Que ce soit un cours pratique, comme le droit commercial, ou un cours théorique, comme la philosophie du droit, peu importe : toute mutilation de l’enseignement est fatale.
  2. Rapport, p. 54.