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direction fait même l’objet d’une science spéciale infiniment plus cultivée sur la rive droite du Rhin que sur la rive gauche, je veux parler de la propœdeutique[1]. Il n’est pas rare de voir les savants les plus distingués donner à l’Université des leçons sur la méthode des études universitaires ; et le cours fait sur ce sujet à Iéna par Schelling, il y a plus de quarante ans, n’a rien perdu de son mérite et de sa célébrité[2]. Le premier cours que l’étudiant en droit rencontre dans la Faculté, c’est l’encyclopédie et la méthodologie, qui dès le premier jour lui donnent la carte de la science, et lui indiquent la meilleure route à suivre, et le plus sur moyen de s’orienter. Ce qui distingue l’Allemagne, ce n’est donc point le dédain de l’ordre et de la direction, mais c’est le libre choix des méthodes laissé à l’étudiant. On le conseille, on ne le contraint pas, et jamais on n’a eu l’idée bizarre et peu scientifique d’employer l’autorité de l’État pour imposer à trois mille jeunes gens un ordre d’étude et des méthodes qui ne conviennent peut-être pas à dix d’entre eux.

Pour que l’État fut fondé à employer ce compelle intrare violent, que la science n’admet pas plus que la religion, il faudrait trouver la solution de deux problèmes que, jusqu’à ce jour, l’esprit humain cherche inutilement. Il faudrait démontrer que les hommes sont en possession de la meilleure méthode possible ; il faudrait prouver ensuite qu’une seule méthode convient à toutes les intelligences car, si la méthode officielle est mauvaise, l’État devient responsable de la fausse direction de l’enseignement, et pervertit ou restreint l’esprit de plusieurs générations et, cette méthode fût-elle convenable, il faudrait bien avouer encore qu’il est injuste de l’imposer à toutes les intelligences, si toutes les intelligences ne sont pas semblables. Et, en effet, exiger de l’élève qu’il suive dans ses

  1. Voy. notamment Akademische Propœdeutik oder Vorbereitungswissenschaft zum akademischen Studium. par C. Kirchner, directeur de la célèbre école de Pforta. Leipsig. 1812.’'
  2. Vorlesungen über die Methode des academischen Studium, von F.W.-J. Schelling, troisième édition. Stuttgard, 1830.