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Je ne crois pas que jamais Faculté, gouvernement ni réformateur aient demandé le changement de cette institution. On a quelquefois attaqué le droit des professeurs libres (privat docenten), ou les formes de leur admission, mais jamais on n’a demandé que le titulaire fût parqué dans un seul enseignement, et qu’il lui fut défendu, de par l’État, de consacrer

    libre professorat. Son caractère et son expérience donnent un poids tout particulier à ses paroles. Nous traduisons ce passage d’un article sur les Universités publié en septembre 1832, dans la Historish politische Zeitschrift de Ranke. Berlin, 1832, p. 578 et suiv.

    « Ce qui fait la grandeur de nos Université, dit M. de Savigny, c’est une institution puissante sans laquelle elles ne pourraient se maintenir au premier rang, je veux parler de la liberté académique telle qu’elle existe en Allemagne. Le professeur choisit et dispose son enseignement avec une Indépendance à peu près absolue l’étudiant jouit d’une liberté non moins grande dans le choix des professeurs et des leçons qu’il veut suivre. Cette liberté est ce qui fait honneur et la vie de l’enseignement, c’est elle qui assure à tout progrès, à toute découverte, à toute méthode meilleure, une influence immédiate sur l’éducation universitaire. Elle n’est point partout admise en Europe. et on peut voir près de nous des système plus ou moins en contradiction avec le nôtre. En certains pays on repousse complètement la liberté ; là on prescrit au professeur, non-seulement l’objet de son cours, mais aussi la forme et la méthode dont il ne doit pas s’écarter. Quant à l’étudiant, on lui assigne, sans le consulter, le maître et les leçons qui décideront de son éducation. Une telle organisation est en quelque sorte une application des école de Lancaster, mais transportée sur un terrain ou ce régime d’enseignement mutuel ne peut-être que pernicieux. Que reste-il en pareil cas de la puissance toute particulière de l’enseignement oral ? rien, sinon le bien que peuvent produire par hasard quelques communications personnelles entre le professeur et ses élèves. Ôtez cette action douteuse, on ne voit pas pourquoi l’État par une série de manuels ; ce serait un moyen tout aussi sûr et tout aussi infaillible pour atteindre au but qu’il se propose. « 

    « En d’autres pays on contrarie beaucoup moins cette liberté*. On prescrit à l’étudiant un certains nombre de cours qu’il doit suivre, mais on lui laisse le choix du professeur, et il dispose les leçons dans l’ordre qu’il lui paraît le plus convenable. Dans ce système, la liberté est presque entière, et néanmoins l’expérience a prouvé qu’il était souvent infructueux et même nuisible. Il y a au fond de ces restrictions une intention louable, c’est d’amener l’étudiant à se donner presque librement une instruction complète ; mais malheureusement toutes les fois que, pour réaliser cette intention, on est obligé d’en venir à des moyens de rigueur et de forcer l’inclination de l’étudiant, on n’aboutit qu’à une comédie sans dignité ; on a l’apparence, et