Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/62

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rait fait de briser d’inutiles entrave pour qu’en peu de temps l’enseignement fût quadruplé et la concurrence introduite dans toutes nos Facultés ?

Encore si le concours était combiné pour amener infailliblement dans l’enseignement les hommes spéciaux, on comprendrait, sans la justifier, l’adoption du système de monopole ; mais point du tout, et, par une inconséquence singulière, ce concours, dont le résultat est de cantonner un homme à tout jamais dans une seule chaire, est calculé en vue des examens ; et c’est après avoir constaté par des épreuves générales que le candidat est capable d’enseigner sur toutes les parties du droit, qu’on lui assigne un enseignement dont il lui est défendu de s’écarter. Le professeur doit être universel pour examiner, mais il est spécial dès qu’il s’agit de faire des leçons. De là des résultats incroyables dans leur bizarrerie. Tel homme brille dans un concours par la façon remarquable dont il explique le Code civil dans les épreuves générales ; il est nommé professeur de droit administratif. Dès ce jour, il ne peut plus enseigner le Code. À Paris, un professeur nommé au concours à la chaire de procédure civile permute avec le titulaire d’une des chaires de Code civil. Dès ce moment le premier devient incapable d’enseigner la procédure, comme le second d’enseigner le Code. Un autre membre de la Faculté, après neuf ans de leçons sur le Code civil, est chargé d’un cours d’introduction à l’étude du droit ; dès ce moment l’enseignement du Code lui est interdit. Enfin, et pour comble d’inconséquence, il n’y a point de suppléant qui ne puisse être appelé à tour de rôle à professer le droit romain, le Code, l’histoire du droit, en un mot, tous les cours de la Faculté ; mais du jour où son mérite obtient une consécration nouvelle, du jour où, après des épreuves générales vaillamment soutenues, le suppléant est déclaré professeur, il lui est à tout jamais défendu de sortir de la chaire a laquelle l’a rivé le hasard d’un concours.

Cherchons maintenant dans quel intérêt l’État impose au professorat ces gênes muttiptiées. Ce n’est pas dans l’intérêt de la science, qui ne vit que par la concurrence, et n’a jamais trop d’a-