Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/64

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un enseignement double de celui, de Paris. Ainsi l’intérêt de la science, des étudiants, de l’État, tout. se réunit pour condamner le régime de servitude sous lequel nous vivons ; reste l’intérét du professeur.

Je ne crois pas. émettre un paradoxe en disant que les professeurs sont de tous les plus directement intéresses à cette réforme. Comme considération, pout-on comparer la position d’un homme qui par la seule force de son talent réunit autour de sa chaire deux cents jeunes gens, à la position d’un maître aux pieds duquel le règlement jette comme un troupeau huit cents étudiants, condamnés par ordre à se presser dans l’amphithéâtre ? Dans le régime de l’École, quelle est la récompense du professeur habile ou laborieux ? qui peut indiquerà l’État et à l’opinion publique le mérite ou le dévouement du maître ? l’affluence des étudiants ? elle est commandée ; la variété des leçons ? elle est interdite. Rien ne distingue l’hommc éminent de l’homme médiocre. En Allemagne, au contraire, l’amour-propre du professeur est sans cesse en jeu. Il y a des rivaux qui lui font concurrence par le talent de la parole, par l’ardeur de la jeunesse. par la multiplicité des leçons ; il lui faut conquérir sa position à force de travail, et, une fois conquise, il la lui faut défendre jusqu’au dernier moment. Mais aussi cette position qui lui donne honneur et fortune, il ne la doit qu’à lui-même ; ces étudiants qui l’écoutent, c’est sa parole qui les retient ce ne sont point des écoliers qui tremblent sous la férule des maîtres, ce sont des disciples, des amis, presque des collaborateurs. Un Privat docent a droit d’être plus fier avec quinze auditeurs qu’il doit à son mérite, qu’un professeur de Paris avec huit cents étudiants, venus par ordre, et qui demain s’évanouiraient si le cours était déclaré non obligatoire.

Si l’amour-propre du professeur trouve son compte dans cette libre organisation, son esprit y gagne bien davantage. Il n’est point condamné à tramer éternellement dans le même sillon ; ilpeut agrandir ses connaissances en s’étendant dans les sphères voisines de son enseignement, il peut se reposer par la va-