respect pour le « prophète » authentique (le mot prophète étant entendu au sens très général d’ « homme de Dieu ») ; le crédit exceptionnel dont jouit dans les églises le confesseur qui a su souffrir pour sa foi ; le zèle charitable dont ils entourent les prisonniers pendant leur détention ; l’ardente fraternité qui les unit, même par delà les groupements locaux ; le peu de cas qu’ils font de la richesse individuelle ; leur mépris de la mort, encouragé par les promesses d’immortalité ; leur prompte désillusion sur le compte de ceux en qui ils avaient cru d’abord reconnaître les interprètes de l’Esprit, quand leurs actes, leurs « fruits » cessent de justifier cette confiance[1]. Peregrinus la perd par imprudente goinfrerie, pour avoir consommé des viandes défendues — c’est-à-dire des viandes antérieurement offertes dans quelque sacrifice païen.
Toutes ces indications sont exactes, et les textes les plus authentiquement chrétiens les confirment pleinement.
Bien entendu, Lucien — qui voit choses et gens d’un coup d’œil incisif, mais peu appuyé — n’a pu se défendre de quelques ignorances et de quelques maladresses. Il ne nomme même pas le Christ, ni n’indique le lien entre les croyances chrétiennes et son enseignement. Pas davantage ne souffle-t-il mot de sa résurrection. Il ne précise pas d’une façon suffisamment technique à quel rang Peregrinus s’est haussé parmi les chrétiens. Il est possible que les mots thiasarchès et sunagogeus correspondent dans sa pensée à la dignité épiscopale, mais la portée en reste incertaine[2]. — D’autre part, il montre son triste héros composant lui-