Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pénétrait la nature et qui, seul, a connu la vérité » (c’est Épicure qu’il désigne ainsi).

Afin d’effrayer ses adversaires, surtout les Épicuriens, fort nombreux dans la province du Pont, Alexandre, qui craint un retournement de l’opinion, proclame que le Pont est plein d’athées et de chrétiens, qui n’ont pas honte de répandre sur lui les pires diffamations, et qu’il faut les assommer à coups de pierres, si l’on veut se rendre Dieu favorable[1]. — Quelque temps après, le charlatan, passé en Italie, inaugure la célébration des mystères dont il est le hiérophante par une annonce solennelle, comme celles qu’on entendait à Athènes, lors des Éleusinies : « S’il y a ici un athée, soit chrétien, soit épicurien, qu’il fuie hors de ces lieux ! Quant à ceux qui croient en Dieu, ils peuvent prendre part aux mystères pour leur plus grand bien. » Il s’avance en criant lui-même : « Dehors les chrétiens ! » et la foule clame à son tour : « Dehors les Épicuriens ![2] »

Somme toute, Lucien n’a guère fait, comme le remarque fort justement Harnack[3], que jouer avec la question chrétienne. Il ne l’a pas envisagée sérieusement ni n’a éprouvé la moindre tentation de l’approfondir. Il ne sait à près rien, semble-t-il, de la doctrine que les chrétiens professent, au moins des aspects théologiques de cette doctrine. Mais ce qu’il connaît de leur mode de vie ne lui inspire a priori aucune hostilité particulière. Le christianisme n’est pour lui qu’une folie de plus à ajouter à l’interminable liste des insanités humaines. Lucien est le seul écrivain païen qui paraisse trouver cette folie à peu près inoffensive.


  1. Ch. 25.
  2. Ch. 38.
  3. Mission und Ausbr. des Christentums, I, p. 473 (3o éd.).