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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/179

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de ses sources ? Il y a des critiques qui admettent qu’Apollonius s’est réellement servi des Mémoires de ce Damis[1]. Eduard Meyer[2] estime — avec raison — que ces prétendus Mémoires n’ont pas plus de réalité que l’œuvre de ce Cid Hamed ben Engli, chez qui Cervantès aurait puisé les éléments de son Don Quichotte ; ou que la fameuse inscription gravée sur une stèle d’or, en Panchaïe, où Évhémère prétendait avoir déchiffré l’histoire vraie d’Uranos, de Chronos et de Zeus. Meyer remarque que toute la première partie de l’œuvre, où est raconté le voyage d’Apollonius chez les Sages indiens (I, 18-III, 58), n’offre qu’une géographie, une ethnographie imaginaires, et soutient aussi peu de rapports avec le monde réel que le Laputa des Voyages de Gulliver. Maint passage y décèle la « manière » personnelle de Philostrate, par exemple les descriptions d’œuvres d’art ou d’êtres extraordinaires, genre où il excellait[3]. Le cadre général de l’ouvrage, les événements qui y trouvent place, les hommes qui y apparaissent, sont historiques ; mais les attitudes, les paroles sont de pure fantaisie. Et la couleur générale de l’ouvrage est celle d’une œuvre de sophistique, conforme au goût de cette époque.

L’intention de Philostrate n’est d’ailleurs pas douteuse. Il veut réagir contre la tradition accréditée dans le public et à laquelle Moeragénès, maladroit apologiste, avait coopéré, qui présentait Apollonius comme une sorte de magicien ou de prestidigitateur, Philostrate affecte de ne pas croire à la magie[4], et il n’admet pas qu’on ravale une

  1. Ed. Norden, Agnostos Theos, p. 37 ; J. Réville, la Religion à Rome sous les Sévères, Paris, 1885, p. 211.
  2. Hermès, 1917, p. 371 et s.
  3. Vie d’Apoll., I, 19, 1 ; 24, 1 ; 25 ; II, 20 ; 22 ; III, 14 ; 48.
  4. VII, 39.