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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/278

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vestiges du passé[1]. Où est alors la spiritualisation promise ?

L’idée que l’univers puisse finir lui est d’ailleurs insupportable. La promesse rapportée par saint Matthieu[2] : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point », est qualifiée par lui de « mensonge » et de « vantardise ». Comment les paroles de Jésus subsisteraient-elles, une fois le ciel et la terre détruits ? Si le Christ admettait cette destruction, il imiterait les plus impies des hommes, ceux qui anéantissent leurs propres enfants[3]. Que la terre disparaisse, passe encore ! Mais le ciel ! Le ciel, c’est l’ordre, la permanence. Aurait-il par hasard commis des péchés[4] ?

L’esprit général de la morale chrétienne l’offense pareillement. Qu’elle s’occupe avant tout des âmes mal portantes, et non pas de celles qui vivent en santé et en beauté, n’est-ce pas là une étrange préférence ? Si ce sont les malades, les pécheurs qui ont besoin de Jésus, alors l’injuste est donc seul « appelé », à l’exclusion du juste[5] ? — Que signifient aussi les sévérités de l’Évangile à l’égard des riches, ses complaisances pour les pauvres ? Une maxime comme celle de saint Matthieu[6] : « Il est plus aisé qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est à un riche d’entrer dans le royaume des cieux », aboutit à condamner le riche, même vertueux, et à magnifier le pauvre, même vicieux. Celui-ci n’a plus à se préoccuper de bien faire, puisque sa pauvreté suffira à le sauver. Ce

  1. Fragm. no 92 = saint Augustin, Ép., 102, 2.
  2. XXIV, 35.
  3. Fragm. no 90².
  4. Fragm. no 89.
  5. Fragm. no 87.
  6. Matth., XIX, 24.