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Le fait que Porphyre accuse les évangélistes d’avoir romancé l’histoire de Jésus n’implique d’ailleurs aucunement que cette histoire elle-même, dégagée de leurs fictions, lui inspire le moindre intérêt. La façon insultante dont il parle des apôtres est-elle donc faite pour rehausser le prestige du Christ, qui les avait choisis ? Quand, énumérant les défaillances de saint Pierre, il se récrie sur l’investiture singulière octroyée par Jésus à un si pauvre homme, camouflé en chef d’église, est-ce afin de mettre en relief la perspicacité de Jésus ? Or, ici, il n’y a pas conte inventé, πλάσμα τῆς ἱστορίας[1] : c’était un fait, avoué, proclamé par toutes les Églises que Pierre avait reçu du Christ une situation de premier plan — et il était, selon Porphyre, parfaitement inhabile à la recevoir.

Si Jésus fut tel que le montrent les Évangiles, Porphyre le vilipende sans merci. Mais comment se formerait-il de Jésus une image tout autre que celle que les Évangiles lui proposent ? Où en prendrait-il les traits ? De quel droit en imaginerait-il d’autres à sa fantaisie, sans l’appui d’une tradition ? On ne voit pas bien ce Jésus porphyrien, qui obtiendrait les respects du philosophe, tandis que le Jésus évangélique n’aurait mérité que ses dédains ? À cette tâche illusoire il ne s’est guère essayé, et ses ménagements mêmes ne sont pas libres d’arrière-pensées.

X

Il reste encore un aspect de la critique de Porphyre qui ne doit pas être négligé, car il a son importance

    aurait accusé le Christ de ne rien entendre à la physiologie (à propos du passage ci-dessus de saint Matthieu).

  1. Fragm. no 49, lignes 44-45.