Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturelle. Mais le mystère d’une foi si tenace chez quelques-uns ne l’a nullement intrigué. Il laisse tomber de très haut quelques mots dédaigneux : amentia, superstitio prava, immodica. Un lettré de grand style, un ami de Trajan, ne se met pas en peine de telles sornettes, et n’a cure d’y regarder de plus près.

Rappelons la réponse de Trajan :

La marche à suivre, mon cher Pline, dans l’instruction des causes de ceux qui t’ont été déférés comme chrétiens, était bien celle que tu as suivie. On ne peut poser une règle générale, ni de forme pour ainsi dire immuable. Il ne faut pas les rechercher. Si on les dénonce, et qu’ils soient convaincus, il faut les punir, avec cette réserve que celui qui affirmera qu’il n’est pas chrétien et prouvera son dire par un acte — en adressant des supplications à nos dieux — obtiendra sa grâce par son repentir, quand même son passé le rendrait suspect.

Quant aux dénonciations anonymes qui te sont remises, il n’en faut tenir compte dans aucun genre d’accusations ; car ce serait là chose d’un détestable exemple, et qui n’est plus de notre temps.

Dans ce court billet, l’empereur fixe le droit, ou plutôt il détermine les modalités d’application d’une loi certainement préexistante. Il ne veut pas aller jusqu’au bout de la rigueur. Il ne veut pas de persécution générale. Les magistrats ne prendront pas l’initiative des poursuites. Les accusés qui leur seront déférés par des dénonciateurs agissant à visage découvert devront, en tous cas, prouver qu’ils renoncent à la qualité de chrétiens. La preuve juridique de leur sincérité, ce sera un sacrifice offert aux dieux. Mais plus de libelles anonymes : le « siècle » d’un Trajan rejette ces odieux procédés, qui sont d’un autre âge.