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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/456

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doxes qui écrit en Syrie — on ne sait trop à quelle époque[1] — introduit un interlocuteur qui affirme avoir constaté personnellement l’efficacité des télesmata, c’est-à-dire des talismans protecteurs dont on faisait remonter l’origine jusqu’à Apollonius. De là une difficulté que ledit interlocuteur développe : si Dieu est le Démiurge, le Maître de la création, comment expliquer l’action certaine de ces télesmata, qui calment les vagues en fureur, et défendent contre les morsures désagréables ou dangereuses ? N’y a-t-il pas quelque chose d’inquiétant pour les fidèles, à constater la persistance de leur efficacité, alors que les miracles opérés par le Sauveur ne se survivent que dans les récits qui nous en sont venus ? Et pourquoi Dieu n’a-t-il pas octroyé un privilège analogue aux prophètes et aux apôtres ? S’il les voit avec défaveur, que n’en paralyse-t-il les effets ?

La réponse « orthodoxe » est celle-ci : il faut en premier lieu se rappeler qu’Apollonius connaissait à fond les forces de la nature, et les « sympathies » ou « antipathies » qui y sont immanentes. C’est grâce à cette science qu’il a pu fabriquer ces utiles talismans. Au Christ, quand il voulait opérer des miracles, un ordre suffisait, sans qu’il eût besoin d’aucun secours matériel. Dieu a laissé subsister les talismans d’Apollonius, parce qu’ils peuvent rendre quelques services aux hommes, dans l’ordre matériel. Aussi bien a-t-il fermé la bouche au démon qui s’était installé dans la statue d’Apollonius et qui dupait les gens en leur persuadant d’adorer celui-ci comme un dieu (sans doute

  1. Entre 370 et 377, pense Harnack, Texte und Unters., N. F., Bd VI, Heft 4 (1901), mais il faut remarquer que cette opinion a été vigoureusement combattue, et qu’il reste fort possible que l’ouvrage soit du ve siècle.