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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/462

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sacrifiait, si on offrait aux dieux les victimes accoutumées. Nous n’aurions jamais vu venir de tels maux, ou déjà ils auraient pris fin[1] ! » — Dans les milieux cultivés, on posait la question sous une forme plus inquiétante encore. On se demandait s’il n’y avait pas une relation de cause à effet entre la victoire du christianisme et la décadence de l’Empire ; si, par exemple, les préceptes évangéliques de douceur, de pardon des injures, n’étaient pas propres à amollir la résistance d’un État qui voudrait s’y conformer rigoureusement. La lettre de Marcellin nous a déjà fait connaître ces insinuations. D’aucuns n’hésitaient pas à conclure que la religion chrétienne était inimica rei publicæ, et véritablement incompatible avec les mores reipublicae[2].

En somme, dans toutes les classes de la société romaine, c’était, avec des modalités diverses, le même malaise.

Augustin n’avait rien d’un génie abstrait et égoïste. Il vivait de la vie de son temps, et il en partageait les préoccupations et les tristesses. C’est d’abord dans l’église, devant ses ouailles, qu’il répondit aux détracteurs du christianisme. La question était tellement brûlante, tellement épineuse, que certains chrétiens tremblaient de la lui voir aborder en public. Cependant nous avons trois sermons, le 81e, le 105e et le 296e où il s’en prend aux pessimistes pour leur rappeler que, tout de même, le récent incendie partiel de Rome n’était pas le premier ; que la Ville avait brûlé jadis, du fait des Gaulois, puis du fait de Néron ; qu’au surplus les pertes matérielles étaient réparables, et que les âmes

  1. Sermo de tempore barbarico que l’éditeur des tractatus de saint Augustin, publiés en 1917, attribue à Quodvultdeus. — Comp. encore les Sermons 81, 7 ; 105, 11 ; le De Consens. Evang., I, 33, 51, etc.
  2. Ép. 137, 20 ; cf. Ép. 136, 2 et 138, 9.