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histoire naturelle

légèreté et de l’adresse que la répétition des mêmes actes donne nécessairement, forment une sorte de spectacle d’autant plus agréable pour des navigateurs fatigués depuis long-temps de l’immense solitude et de la triste uniformité des mers, que la couleur des dauphins vulgaires est agréable à la vue. Cette couleur est ordinairement bleuâtre ou noirâtre, tant que l’animal est en vie et dans l’eau ; mais elle est souvent relevée par la blancheur du ventre et celle de la poitrine.

Achevons cependant de montrer toutes les nuances que l’on a cru remarquer dans les affections de ces animaux. Les anciens ont prétendu que la familiarité de ces cétacées étoit plus grande avec les enfans qu’avec l’homme avancé en âge. Mécénas-Fabius et Flavius-Alfius ont écrit dans leurs chroniques, suivant Pline, qu’un dauphin qui avoit pénétré dans le lac Lucrin, recevoit tous les jours du pain que lui donnoit un jeune enfant, qu’il accouroit à sa voix, qu’il le portoit sur son dos, et que l’enfant ayant péri, le dauphin, qui ne revit plus son jeune ami, mourut bientôt de chagrin. Le naturaliste romain ajoute des faits semblables arrivés sous Alexandre de Macédoine, ou racontés par Égésidème et par Théophraste. Les anciens enfin n’ont pas balancé à supposer dans les dauphins pour les jeunes gens, avec lesquels ils pouvoient jouer plus facilement qu’avec des hommes faits, une sensibilité, une affection et une constance presque semblables à celles dont le chien nous donne des exemples si touchans.