Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/11

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eut les reins cassés. Heureusement que c’était loin de la tête. Celle-ci aura malheureusement son tour trop vite. Pendant 22 mois je criai sans arrêt et, chose étonnante, mon gosier paraissait ne pas se fatiguer, ma langue semblait prendre de la souplesse et s’accoutumer pour plus tard à un exercice continuel qui devait moins fatiguer celui qui la posséderait que ceux qui en seraient la victime.

À quatre ans, tu en avais dix, je ne marchais pas encore. Faut-il te rappeler un triste souvenir ? Je ne parlais pas encore. Tu me dodichais, tu me faisais des questions et moi je ne pouvais que répondre : bouillie.

C’est là le premier mot que mes lèvres intéressées prononcèrent : bouillie. Quelle humiliation pour un homme que d’être obligé de convenir que l’estomac le fit parler avant le cœur. Ne raconte jamais cet incident, car on dirait que je suis un homme bouilli et on pourrait appeler mes sœurs des filles cuites. Tu vois qu’il y va de ton intérêt.

Le beau mois de mai 1850 arriva, et avec lui la force que je dois à tes bonnes prières et à celles des autres, particulièrement de Philomène, la grande « priante » de la famille. On m’a assuré au couvent, et Domitille et Marie ont confirmé l’avancé, qu’elle reprenait toutes les communions

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