Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/18

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au vôtre, et ces notes ne seraient plus qu’un sujet de larmes pour votre enfant. Bonne mère, protégez-nous du haut du Ciel !

Bonne Julienne ! Je suis dans un presbytère et à chaque instant j’entends dire : Julienne, viens ici ! Je crois toujours te voir apparaître dans la porte du réfectoire. Je regarde : Mon doux ! quel désappointement chaque fois. Non ! mille fois non ! ce n’est pas toi. D’abord cette Julienne a un petit nez tout court. Ce n’est pas toi. Elle est grosse et grasse. Ce n’est pas toi. La couleur de ses yeux annonce de la neige pour le lendemain. Ce n’est pas toi. Je te l’assure ; veux-tu que je te dise tout ? Elle n’a pas l’air fin ou fine, comme tu voudras. (Le Ministre de l’Instruction publique a déclaré qu’on peut mettre fin ou fine, quand même la personne ne le serait pas.) Qui aurait l’impudence de dire que c’est ma sœur ? et encore la sœur qui m’a fait l’école et que j’ai appelée maman une fois, mais pas deux : je m’en souviens, moi.

Tu le vois, je suis toujours le même, toujours un enfant vieux de 36 ans et bientôt 37 ans, c’est-à-dire dans un an ; et 38 dans deux ans. Tu vois que je sais encore mes règles et que j’ai bien mérité mon accessit d’arithmétique, le fameux accessit que papa entoura d’un cadre de paille dorée pour prouver aux générations futures que son enfant de 15 ans savait que deux et deux font quatre.

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