Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/31

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« Mon enfant », dit ma mère, « c’est ton père qui, à son retour, te punira lui-même. »

« J’aime mieux que ce soit vous, ma mère, qui me battiez. » Et je me jetai dans ses bras. Un enfant de cinq ans est déjà un grand diplomate.

Tout à coup, du coin noir de la chambre qui me servait de prison provisoire, j’entends la voix toujours si claire de mon père. Je me perds en sanglots. Il aperçoit le bandage autour de la tête de mon frère. Maman lui raconte tout. Il m’appelle d’une voix brève. Je me présente devant lui dans l’apparence d’un condamné à mort, mais qui n’avoue pas son crime. J’ai encore eu le malheur d’essayer à me faire trouver innocent par mon père : ce n’était pas de ma faute, c’est mon frère qui courait après moi. Il est plus vieux que moi.

Mon frère, appelé en témoignage devant la cour de mon père, mit, bien entendu, tout le blâme sur moi : j’avais détruit des fondations qui lui coûtaient bien du travail ; j’avais pris la hache et je l’avais frappé, le taillant au clair, etc., etc.

Papa dit seulement ceci à mon frère : « Tu es coupable, toi aussi ; tu dois savoir mieux que cela ; je réglerai ton compte quand tu seras guéri. » Puis il ordonna à une de mes sœurs d’aller chercher une hart à engerber et me fit mettre à genoux. Un grand silence régnait dans la maison. Ma-

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