Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/38

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— Mon fils, tu n’as pas soupé. Viens prendre ta place accoutumée, près de moi, dit le père d’une voix douce.

— Je n’ai pas faim, dis-je.

— Viens, viens, il faut manger pour vivre, mon enfant.

Je me rendis à la demande. J’aperçus dans un coin une belle hart de merisier vert. Qu’elle me parut laide ! d’une laideur communicative !

Mon père dit à ma sœur, (la maman de l’école) : « Va donc lui chercher des confitures, une bonne tasse de sirop d’érable. »

L’idée me vint qu’on commençait par du sirop d’érable, mais qu’on finirait par du jus de merisier. Après la prière et le chapelet, mon père m’appelle. Pour toute réponse, je baissai la tête et me mis un doigt sur les lèvres. « Apporte ta chaise et viens t’asseoir près de moi, devant ce bon feu de cheminée. La nuit est fraîche ; il faut se défier du serein du soir. »

J’apporte ma chaise en marchant bien lentement pour mon âge. « Va me chercher la hart qui est dans le coin. » — « La… la hart ? » — « Oui, la hart. Es-tu devenu sourd tout d’un coup ? » Mon père prit la hart, la déposa par terre, me fit asseoir.

— Mon fils, me dit-il d’un ton bien calme, tu vas me dire bien franchement ce que tu veux faire dans le monde.

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