Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/68

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Or, il faut vous dire que les seuls instruments de musique que j’aie jamais touchés sont des flûtes de citrouille, mais on me dit que j’étais un des meilleurs de l’école sur cet instrument. Quant au chant, je n’ai rien à apprendre à ceux qui m’ont entendu, mais je dois dire aux autres que mon chant ressemble d’assez près au miaulement d’un chat quand on lui écrase la queue. C’est tellement vrai, mes amis, qu’un jour, en mission sauvage, je voulais faire chanter un cantique à mes jeunes sauvagesses Naskapises. Et l’une d’elles, qui l’avait pratiqué depuis plusieurs jours, vint me demander timidement, un bon matin, si elle devait le chanter sur l’air du jour ou celui d’hier.

Vous comprenez tous qu’à la demande si inattendue pour moi, je me dépitai de mon mieux, pendant que Chagnon disait à mi-voix, en parcourant l’assemblée : « Si vous l’entendiez !… Il est un peu gêné… C’est certainement notre plus belle voix canadienne… » Deux convives alors me prennent par les bras et me traînent au piano.

J’ai dû faire bonne contenance. Je demande à Demoiselle L’Heureux si elle voulait entendre le carnaval de Venise. « Certainement, c’est mon chant favori. » Je me joins les quatre doigts bien serrés, et je commence à bûcher sur le piano délicat,

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