Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/182

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Sur son front qui réfléchit bien que jeune d’années,
Les précoces douleurs, les luttes obstinées,
Sillon laborieux, avaient tracé leur pli.
Pour l’heure, il s’abreuvait dans d’air limpide et d’oubli.
Fils d’un siècle d’airain, sans jeunesse et sans rêve,
Son âme aux lourds soucis pour un jour faisait trêve ;
A longs traits il buvait des grands bois les senteurs,
Écoutant la fauvette et les cours d’eau chanteurs,
Et l’abeille posée aux ramures fleuries,
Et l’hymne qu’en son cœur chantaient ses rêveries.


III



Cependant, par degrés, a vol de ses pensers,
Il sentait s’éveiller l’essaim des jours passés.
Des étés disparus la fauvette invisible
Disait l’hymne enivrant d’un amour impossible ;
Ses rêves, ses candeurs, les beaux printemps défunts
Sur son front éprouvé secouaient leurs parfums ;
Jour à jour, fleur à fleur, effeuillant ses années,
Longtemps il respira leurs promesses fanées ;
Et plus il remontait vers ses espoirs éteints,
Plus l’idéal éclat de ses riants matins
Lui montrait froide et sombre, hélas ! sa vie austère.
Le soleil, cependant, ruisselait sur la terre !…
Alors, sentant monter les brumes de son cœur,
Ces deuils mystérieux de l’homme intérieur,
Sous les clartés dont l’astre au loin dorait les plaines,
Tranquille, il épancha ses tristesses sereines :