Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/221

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Puis, distrait et béat, placide meurtrier,
Il reprit de la plaine à pas lourds le sentier.

J’étais jeune, oh ! bien jeune encor. Ce drame agreste,
Enfant, m’eut pour témoin. Le souvenir m’en reste,
Aujourd’hui comme alors, vivant et douloureux.
A travers les climats, les jours, les ans nombreux,
De mon passé lointain quand j’évoquais l’histoire,
Ce souvenir toujours attrista ma mémoire.
O révolte du Bien que le cœur seul m’apprit !…
Un doute amer dès lors entra dans mon esprit ;
Ma jeune conscience, à tout jamais blessée,
De pourquoi sans réponse obséda ma pensée.
Pourquoi le Mal ?… Pourquoi la mort et la douleur ?…
Pour s’étonner du Mal, l’homme d’un lieu meilleur
Est-il donc descendu ?… Que voit-il sur la terre ?…
Aux triomphes du Mal convive involontaire,
Il s’indigne !… Ici, là, partout, la cruauté !…
De la création absente est la bonté !
Sourde à ses vains soupirs, l’impassible Nature
Livre en tous lieux aux forts les faibles en pâture…
Ainsi faite, la vie est-elle un châtiment ?
La rançon d’une chute ?… ou le pressentiment
D’un monde autre et plus juste ?… Insolubles problèmes !
Les cœurs en sont meurtris, les fronts en restent blêmes.
Pour moi, contre le Mal, enfant, j’ai protesté,
Et la mort d’un oiseau m’a fait un révolté !

Harmonieux enfant de ma douce vallée,