Aller au contenu

Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Mais, si vaine est la lutte et la plaie incurable,
Voile au moins le secret de ta sainte pâleur :
Que nul regard, raillant ton âme vulnérable,
Ne lise sur ton front ta divine douleur !

Tais-toi ! D’un âcre feu les veines consumées,
Même sous l’œil fatal qu’attendrit ta fierté,
Tais-toi ! — Tu pourrais voir sur des lèvres aimées
Flotter le rire amer de l’incrédulité.

Tais-toi ! L’oreille ouverte aux vanités flatteuses,
La fille d’Ève au front candide, au cœur de fer,
Ne sait point démêler, facile aux voix menteuses,
L’accent tombé du ciel ou monté de l’enfer.

Tais-toi ! Le sein frappé d’une atteinte trop sûre,
N’implore, en ton orgueil, ni merci ni retour :
Laisse en dedans couler ta mortelle blessure !
Saigne en silence et meurs, meurs d’un muet amour !