En ces temps d’atroce tuerie,
Où le Hun fourbe et carnassier
Promène en nos champs sa furie,
Heureux qui peut pour la patrie
Mourir aux éclairs de l’acier !
Mais la mort, cette mort qu’on brave
En plein soleil, sous les cieux purs,
Nous fuit ! c’est l’hiver, la faim hâve
Qui nous frappent, bétail esclave,
Enfermés dans nos propres murs !
Inexorable Destinée !
Forfaits par l’enfer applaudis !…
C’en est trop ! viens, Muse obstinée,
Voile à mon âme consternée
La hideur de ces temps maudits !
La force ici ment au courage,
Le Droit est trahi par le sort.
D’un vainqueur défions la rage :
Comme l’Alcyon dans l’orage,
Rossignol ! chantons dans la mort.
Laissons s’ouvrir et se détendre
Nos cœurs par l’angoisse envahis.
Chante, oiseau ! que je croie entendre
La voix mélancolique et tendre
De nos frères les bengalis !
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