Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/267

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S’embusquant à distance, errant sur les bruines,
          Coupant tes ponts et tes chemins,
T’isolant sur ton fleuve au pied de tes collines,
          Paris, la horde des Germains
T’entoure ; et, vils chacals guettant de loin leur proie,
          Mais sur elle n’osant bondir,
Trois cent mille, ils sont là, cuvant l’ignoble joie
          De voir leur victime pâlir
Sous l’étreinte de fer de sa suprême épreuve !...
          Basse et savante atrocité !
La famine en tes flancs, l’âpre hiver sur ton fleuve,
          Sans pain, sans feu, sainte Cité,
Quand tu portes les yeux sur l’immense vallée
          Que blanchit un soleil en deuil,
Tombeau vivant, tu vois la neige amoncelée
          T’envelopper comme un linceul.
Là, sous la terre dure, au revers des tranchées,
          Dorment, glacés dans leur valeur,
Tes fiers enfants, moissons que la guerre a fauchées,
          Tuant le fruit avec la fleur.
A l’horizon blafard où pèse un ciel livide,
          Barrant la voie à tout secours,
D’un tenace ennemi veille la haine avide...
          Ainsi s’en vont les nuits, les jours !
L’hiver et le typhus habitent tes murailles ;
          Des maux tout l’essaim conjuré
Décime tes soldats, dévore tes entrailles ;
          Sans ébranler ton cœur navré :
Dans ta lugubre enceinte où deux millions d’âmes