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VII

Peuple ! le lys des monts, coupe de parfums pleine,
N’eut jamais en mépris la courge de la plaine.
Le rossignol, qui vit de tristesse et de chants,
Du pourceau pour les glands respectent les penchants.
De la nature, ô peuple ! absente est l’ironie.
Rien de vil, rien de grand où tout n’est qu’harmonie.
Les monts, comme la plaine, ont leur utilité.
N’accuse point d’orgueil ou de stérilité.
Ces masses de granit, dont les crêtes chenues
Portent le poids des vents et la fureur des nues.
Dans ces flancs douloureux que tu crois en repos
S’élabore le fleuve où boiront tes troupeaux.
Leurs froids sommets veillant sur les sommeils du monde
Annoncent le lever de l’astre qui féconde.
Le poète a, comme eux, l’esprit dans l’avenir :
Il sent en lui gronder les choses à venir ;
Le siècle qui sera sur son front se reflète ;
Voilà ce qui lui fait, hélas ! l’âme inquiète,
Et lui met sous les doigts ces verbes flamboyants
Dont il couvre à tes yeux les murs de tes tyrans.
Et pourtant il sait trop, rêvant orgie et fêtes,
Que ton cœur goûte peu la voix de tes prophètes ;
Que tu priserais mieux les vins de Balthasar,
Toi qui vendis tes dieux pour du pain à César !