Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/309

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Voici des soirs pourprés l’heure calme et sereine.
Au sein des mers, lassé d’un radieux essor,
L’astre du jour s’abaisse et lentement ramène
Sa paupière d’azur sur sa prunelle d’or.

Voici l’heure où, semant dans l’air ses violettes,
Le crépuscule passe au front des pics altiers.
Le chasseur des grands bois, le pêcheur des îlettes,
De leur chaume à pas lents reprennent les sentiers.

De bleuâtres vapeurs ondulent par les plaines.
Les mille bruits du jour s’éteignent sous les cieux.
Les abeilles, les oiseaux, les mouches, les phalènes,
Dans les buissons muets dorment silencieux.

Déjà sous la rosée et les brises nocturnes
Les mimosas frileux penchent leurs rameaux noirs ;
Mais la belle-de-nuit lève ses fraîches urnes
Où se pose et frémit le papillon des soirs.

La cloche du planteur vibre sur les savanes,
Sa voix jusqu’à la mer sonne la fin du jour.
Au fond des chemins creux, le long des champs de cannes,
Nègres et bœufs, là-bas, reviennent du labour.

De son seuil, comme au temps du patriarche antique,
Le colon voit rentrer ses Noirs et ses troupeaux ;
L’appel du soir se fait, et dans le camp rustique
Biettôt tout est silence, obscurité, repos.