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Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/25

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était l’exploitation de l’armoire de leur mère. Madame Lacenaire y plaçait l’argent que son mari lui donnait pour subvenir aux dépenses du ménage ; mais les sommes diminuaient si rapidement, que, pour les soustraire aux tentatives de son second fils, — qu’elle soupçonnait à tort, — elle avait placé sa clef dans un endroit connu d’elle seule, et confié à son favori ses soupçons et le secret de cette cachette. Ce qu’il y avait de comique dans la conduite de la pauvre femme, c’est que ce n’était point le cadet, mais au contraire l’aîné de ses enfants, son préféré, qui la dévalisait.

Ne pouvant plus voler par lui-même, l’hypocrite voulut déterminer son frère à retirer, comme un autre Raton, les écus de l’armoire. Il lui indiqua la place où se trouvait la clef du trésor, et il fut convenu que, pendant que l’un volerait, l’autre cajolerait la mère dans une autre pièce de l’appartement.

— Et combien faudra-t-il prendre chaque fois, demanda l’initié ?…

— C’est selon, dit l’aîné : quand je dirai à maman : Embrasse-moi vingt fois, trente fois, soixante fois, tu prendras vingt, trente, soixante francs…

— C’est bien.

Ce qui était convenu fut exécuté avec un aplomb, une adresse et une précision dignes des industriels les plus adroits. Ils perfectionnèrent leurs moyens d’exécution, inventèrent des combinaisons, des signes et un argot tout particulier pour s’entendre, et ils furent d’accord en effet jusqu’au jour où, pour un louis, ils se disputèrent et rompirent la société.