Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son de la flûte s’en retourne au son du tambour. Le tonneau des Danaïdes de la roulette et du trente-et-quarante engloutissait ces sommes. Lacenaire était affligé d’une déveine chronique, et bien souvent il fut obligé de dévaliser radicalement les plus pauvres ménages.

« Ces vols, disait-il à la Conciergerie me pèsent plus sur la conscience que tous mes assassinats. »

Mais comme il lui fallait des gants toujours frais, des cravates irrésistibles, de fines chemises et des cigares, les pauvres gens contribuaient à cet entretient coûteux, quand les riches, auxquels il donnait la préférence, avaient trop bien pris leurs précautions.

Chose bizarre encore ! Lacenaire assistait toujours les malheureux qui tendaient la main sur son passage, et il est certain qu’il a préservé des infortunés du désordre, de la misère et même du crime.

Explique qui pourra cette anomalie.

Il disait « qu’un voleur doit être généreux, » et il mettait largement en pratique cette maxime philosophique. Après la fermeture de nous ne savons plus quel théâtre, il secourut à propos un garçon d’accessoires sans emploi dont la femme était malade des suites d’une mauvaise couche. En parlant de Lacenaire, comme tout le monde le faisait, lors des célèbres débats de la cour d’assises, cet homme disait à un artiste de notre connaissance :

« — Est-ce bien possible qu’il ait fait ces abominations !… Quand je pense qu’il m’a donné vingt francs presque sans me connaître, un soir que je rôdais près le canal… Oui, monsieur A…, sans ces quatre pièces de cent