Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/77

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L’action commença avec ordre et dans un silence remarquable. Au premier service, la troupe, s’animant par degrés, passa avec vivacité sur les ouvrages légers et attendit en frémissant les grosses pièces. Quand elles furent à leur portée, la valeur des assaillants ne connut plus de bornes. Elles avaient beau opposer leurs masses profondes à l’intrépidité de leurs adversaires, elles étaient attaquées à la fourchette, — cent fois plus meurtrière aux mains des clercs que la baïonnette, — et éventrées avec rage !

En vain les pâtés superbes dressaient devant les assiégeants leurs fortifications de croûte vermiculée, ils étaient abordés à l’arme blanche, escaladés, broyés et avalés en une bouchée. Nul répit n’était accordé à l’ennemi. Le combat ne cessait sur un point que pour recommencer sur l’autre. Semblable au serpent qui se mord la queue, cette bataille livrée à la chair et à la pâte semblait devoir être sans fin. Il y avait près de quatre heures qu’elle durait, mais la furia francese, alimentée par le sang généreux de la vigne, demandait toujours à s’assouvir au fond des flacons.

L’avant-garde succomba enfin. — Les lampes pâlirent ; — à cette époque, le gaz était presque inconnu ; — mais les clercs décharnés, se ralliant à la voix de leur chef, tombèrent comme un seul homme, les dents encore luisantes de carnage, sur le dessert, arrière-garde du festin ! Tout fut massacré ! — Les basochiens furent beaux ce jour là ! — Il y en eut bien quelques-uns qui tombèrent blessés sous la table, au milieu des débris et des projectiles de verre, mais réveillés par la