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L’ANGE DE LA CAVERNE

Il y avait au-delà de trois semaines qu’Yves et Andréa cheminaient dans les marais de la Guyane Française, quand, un soir, Yves se plaignit d’un mal de tête :

« C’est » dit-il à Andréa, « un mal de tête comme je n’en ai jamais eu… On dirait que la tête va m’ouvrir et… Ciel ! que j’ai chaud ! »

Andréa jeta sur Yves un regard inquiet… Ce mal de tête n’augurait rien de bon… Yves avait, aussi, le visage cramoisi… Il était pris des fièvres paludéennes, si terribles que peu de gens peuvent y résister.

« Prenez une dose de quinquina, » conseilla Andréa à son compagnon. « Vous êtes un peu fiévreux, je crois ; la quinquina va vous remettre sur pied. »

Mais, durant la nuit, Yves eut le délire. Il voulait retourner au pénitencier ; il accusait Andréa de l’avoir entraîné dans ces infectes marais… En d’autres temps, il appelait Éliane, sa fille chérie. Il se levait du rocher où il était couché, enveloppé dans la peau de jaguar… Il voulait courir au secours d’Éliane, qui était en danger… Andréa eut beaucoup de peine à l’empêcher de s’élancer en plein marécage.

Ce fut une nuit terrible, prélude de trois autres semblables. Andréa se dit que son compagnon allait mourir…

La quatrième nuit, Yves ne délira plus et la connaissance lui revint tout à fait ; mais il devait avoir près de 102 degrés de fièvre, pensa Andréa. Yves fit signe à Andréa de s’approcher et il lui raconta toute sa vie… Ses années de collège, son amitié pour Sylvio Desroches, la disparition de celui-ci puis son arrestation et condamnation, à lui, Yves. Il parla aussi de sa fille Éliane, qui avait près de vingt ans maintenant. Il fit jurer à Andréa de retrouver son Éliane et de veiller sur elle, si elle avait besoin de protection.

— Andréa écouta, en silence, les confidences de son camarade et il promit tout ce que celui-ci lui demandait. Mais il était écrit qu’Yves Courcel — ou plutôt Mirville — ne mourrait pas des fièvres paludéennes dans les marais de la Guyane Française. Petit à petit, la fièvre disparut et, au bout de huit jours, les évadés purent continuer leur route.