— C’est bien !… Ce papier ?… De quoi fera-t-il foi ?
— Vous allez voir.
Le jeune homme enleva une feuille d’un calepin, qu’il venait d’enlever de la poche de son habit, puis il se mit à écrire rapidement pendant quelques secondes.
— Ce papier… murmura Luella, quelque peu effrayée.
— Veuillez signer ici, Mlle d’Azur, répondit Patrice, en indiquant le bas du document… Ne craignez rien ; ce n’est pas votre arrêt de mort ; c’est tout simplement une promesse de me payer la somme stipulée.
Luella arracha presque le papier des mains de Patrice Broussailles et y ayant jeté les yeux, elle lut tout haut ce qui suit :
« Je promets de payer à M. Patrice Broussailles la somme de dix mille dollars ($10, 000) dans un délai n’excédant pas un mois après mon mariage à M. Yvon Ducastel, Inspecteur de la houillère de W… »
Elle hésita pendant quelques instants, puis, d’un trait, elle signa son nom au bas de ce document qui, elle ne pouvait pas se le cacher, était fort compromettant.
Ayant remis le papier à son compagnon, elle se leva pour partir.
— Marché conclu ! s’écria Patrice, en se levant, lui aussi. Je vous promets de vous aider, de surveiller vos intérêts… et les miens, ajouta-t-il avec un sourire qui, certes ne disait rien de bon pour la paix et la tranquillité futures d’Yvon Ducastel.
— Je compte sur vous, M. Broussailles !
— Vous pouvez compter sur moi, Mlle d’Azur, répondit Patrice en plaçant dans son porte-feuille le papier signé.
— Au revoir, M. Broussailles ! dit Luella, qui venait de sauter en selle.
— Au revoir, Mlle d’Azur ! fit Patrice. Il me ferait grand plaisir de vous accompagner dans votre promenade, reprit-il ; mais…
— Mais il vaut mieux que nous ne soyons pas vus ensemble, je crois.
Tout en se dirigeant vers W…, Patrice Broussailles se livrait aux réflexions suivantes :
— Ciel ! Quelle découverte j’ai faite, tout à l’heure !… Après ce que j’ai découvert, je tiens, plus que jamais, à travailler à l’union de ces deux-là, Luella d’Azur et Yvon Ducastel… « Professeur de lettres », hein, mon bon Ducastel ?… Attendez ! Attendez ! Bientôt, oui bientôt, j’aurai les rieurs de mon côté… Moquez-vous de moi, M. l’Inspecteur ; faites le drôle ; mais rira bien qui rira le dernier… Ma vengeance, je la tiens, elle ne m’échappera pas… Et quelle vengeance, Seigneur !
Chapitre XI
LA DAME NOIRE
On était au jeudi. Il était trois heures de l’après-midi.
Dans le salon de Mme Francœur. un joyeux groupe était réuni ; on y voyait les personnes suivantes : M. et Mme Foulon ; M. et Mlle d’Azur ; Lionel Jacques et Patrice Broussailles.
Dans une heure, on explorerait la houillère de W… On attendait Yvon, d’un moment à l’autre ; en l’attendant, on causait.
— Ainsi, Mme Francœur, dit Mme Foulon, en s’adressant à leur hôtesse qui venait d’entrer dans le salon, munie d’un plateau, contenant des verres de liqueurs, vous ne vous décidez pas à nous accompagner, à la Ville Noire ?
— Ah ! Non ! s’écria l’interpellée. Je ne descendrais pas là dedans pour tous les biens de la terre !
— Tiens ! Vous me faites la même réponse que Madeleine Blanchet, de la Ville Blanche ! Est-ce que, par hasard, vos raisons sont les mêmes que les siennes, Mme Francœur ? Avez-vous peur de la Dame Noire, vous aussi ? Et Mme Foulon rit de grand cœur.
— Peut-être, répondit, sans rire, la maitresse de pension.
— Ah ! Bah ! s’exclama la femme du marchand, en haussant légèrement les épaules.
— La Dame Noire ?… s’écria Luella. Qu’est-ce que… Qu’est cette Dame Noire dont vous parlez ? demanda-t-elle ensuite, et tous ceux qui étaient présents constatèrent, avec surprise, qu’elle paraissait très effrayée.
Patrice Broussailles cependant,